Formidable mise en scène que celle de Jean Bellorini à partir de Rabelais ("Le quart livre") en ce moment à St Denis en banlieue parisienne! Un mélange de fête gargantuesque, d'érudition pleine d'humour, de magnifique travail des comédiens-chanteurs, de beauté de la scénographie et des éclairages, de musique extrêmement riche et traversant les siècles. Un intense moment duquel on ressort un peu sonné, traversé de toutes parts!
Du coup l'idée de marcher au retour le long du canal de St Denis jusqu'à Paris a semblé fort bien venue en ce jour chargé de lourdeurs orageuses. Un périple apparemment dérisoire comparé à celui des héros de Rabelais, Pantagruel et les autres, au cours de leurs traversées multiples... Et pourtant...
La population est bigarrée, souvent à la peau noire, peu nombreuse en cette heure où le jour s'attarde. Les jeunes, par petits groupes, discutent et écoutent de la musique, comme partout. Quelques familles terminent leur pique-nique et remballent sacs, poussettes, et poubelles.
Peu à peu, au fil de la marche, le croisement des deux canaux approche, du canal de St Denis avec celui de l'Ourcq. Mais l'atmosphère citadine s'est nettement densifiée des deux côtés. Se profile même sur la droite un centre commercial et l'on se retrouve en pleine ville de ce côté-là.
En revanche, les promeneurs et cyclistes se sont raréfiés de mon côté. Et apparaissent peu à peu des tentes de personnes sans domicile, disséminées ici et là. D'un coup je réalise que tout s'est transformé. Les bords immédiats du canal sont devenus de part et d'autre des lieux de refuges pour migrants. Ils s'échelonnent de façon continue sur les rives. Quantité de tentes se pressent côte à côte, sans aucun espace entre elles; la place manque pour les humains comme pour les ordures. La couleur des peaux s'est uniformisée... celle de migrants africains sans doute. Un cycliste continue encore un peu sur le bord du canal mais les riverains habitants dans du dur semblent avoir déserté.
Quelle place ici pour une promeneuse devenant une étrangère au bord de cet espace sidérant rempli d'étrangers en transit? Non pas promeneurs, eux, ni touristes, mais en état d'urgence vitale, de survie espérée. Alors qu'il me semblait risquer de devenir une intruse, je ne les prends pas en photo, bien sûr, et je passe à côté, comme le cycliste. D'ailleurs le chemin de halage s'arrête là.
Je remonte sur l'allée au-dessus du canal qui mène au parc de La Villette et à ses attractions multiples. C'est la foule à nouveau en ce dimanche soir, bigarrée, échauffée, multiple avec encore des familles et leurs enfants qui rentrent chez elles et beaucoup de jeunes qui s'animent.
En revanche, les promeneurs et cyclistes se sont raréfiés de mon côté. Et apparaissent peu à peu des tentes de personnes sans domicile, disséminées ici et là. D'un coup je réalise que tout s'est transformé. Les bords immédiats du canal sont devenus de part et d'autre des lieux de refuges pour migrants. Ils s'échelonnent de façon continue sur les rives. Quantité de tentes se pressent côte à côte, sans aucun espace entre elles; la place manque pour les humains comme pour les ordures. La couleur des peaux s'est uniformisée... celle de migrants africains sans doute. Un cycliste continue encore un peu sur le bord du canal mais les riverains habitants dans du dur semblent avoir déserté.
Je remonte sur l'allée au-dessus du canal qui mène au parc de La Villette et à ses attractions multiples. C'est la foule à nouveau en ce dimanche soir, bigarrée, échauffée, multiple avec encore des familles et leurs enfants qui rentrent chez elles et beaucoup de jeunes qui s'animent.
Le long du canal de l'Ourcq, la population devient peu à peu beaucoup plus homogène: petites embarcations où l'on se donne en spectacle avec bières à l'appui et harangues de l'une à l'autre, pique-niques bien arrosés aussi sur les bords où se sont assis de multiples groupes de jeunes gens bruyants et apparemment joyeux. Population à la peau blanche, même si en s'écartant un peu du bord on retrouve la bigarrure des peaux et des langues et une boulangerie algérienne...
Quel périple quand-même! Quel patchwork humain depuis le théâtre Gérard Philippe de St Denis! Et depuis Rabelais! Tous ces humains si proches géographiquement et si étrangers les uns aux autres! La situation révoltante dans laquelle se trouvent certains d'entre eux, ne semble pas créer de révolte, même pas de bruit, à peine du désordre dans un paysage destiné probablement à être "réhabilité" comme l'ont été les bords du canal de l'Ourcq, notamment du côté de Bobigny, après avoir servi de lieu refuge pour les "Roms" il y a quelques années.
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dépliant proposant des randonnées le long du canal de St Denis |
Ce matin, j'apprends aux informations que ce camp de migrants précisément est évacué en ce moment même. On l'appelle "camp du Millénaire"! Mais oui! Une décence minimum aurait pu éviter cette nomination monstrueuse! Bien sûr, il s'agit du nom du fameux centre commercial que j'avais aperçu sur la droite.... Ainsi d'une rive à l'autre du canal les noms de lieux crient aussi les aberrations de nos sociétés.