dimanche 8 mai 2016

Le bois dont les rêves sont faits







Un bois ? Pourtant dans ce film celui-ci apparait sans limite, offrant des fonds où se perdre et se cacher. Il pourrait bien avoir accueilli la Belle au Bois Dormant pendant des siècles !  Et l’on pourrait y voir surgir toutes sortes d’animaux étranges et fascinants, on pourrait y entendre des cris et des chants, échos d’un autre monde. Il est vrai cependant que pour la Belle il s’agissait aussi d’un bois…là où les frayeurs et les mystères qu’il cachait semblait plus à la mesure d’une forêt, et même amazonienne…


Ici les êtres étranges et émouvants sont des humains qui racontent leur façon de faire avec ce bois, d’y vivre et d’y rêver parfois. Ils s’y réfugient solitairement ou s’y retrouvent. Ils s’y tiennent « à distance respectable » les uns des autres, comme on dit…Parfois, ils s’y cherchent, aussi.
 

Les histoires racontées dans ce film sont le fruit de rencontres faites par la cinéaste, Claire Simon. On pourrait même dire qu’elles racontent indirectement ces rencontres tout autant que des vies. Une approche du bois et de ses habitants, une pénétration patiemment revue au montage, et reconstruite. 


Une cocréation aussi, si l’on en croit ce que Claire Simon dit à Michel Ciment dans l’émission « Projection privée » du samedi après-midi sur France culture. En étant filmées, ces personnes interrogées font œuvre également, dit-elle. J’ajouterais bien: d’abord en recréant ce bois par les usages qu’elles en font. Usages multiples et insolites, parfois cocasses ou pathétiques…


Les lieux institutionnels du bois de Vincennes ne sont pas retenus ici. Ni la Cartoucherie, ni le centre équestre, ni le terrain de courses, ni le parc floral. En revanche, l’ancienne faculté de Vincennes y prend une place symbolique par l’absence de traces qu’elle y a laissées depuis trente ou quarante ans. Cette absence fait parler et s'étonner la fille d’un des philosophes qui attisaient  à l'époque le désir de penser dans ce lieu, Gilles Deleuze. Mais paradoxalement, les arbres ont eux-mêmes contribué à cet effacement, pour la satisfaction de bien des hommes politiques, ceux d'alors et ceux d’aujourd’hui... 


En cette période anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, d’autres arbres effaceurs de traces s’associent à ceux du film. Mais au bois de Claire Simon, se faufilent volontiers les bois de nos enfances, ceux qui nous ont perdus et protégés autrefois, ceux qui nous ont offert des trouvailles et des terrains de jeux, ceux qui ont suscité en nous tellement d'émotions, ceux qui nous ont donné le sentiment de l’existence d’autres mondes. Leurs traces sont toujours là, à jamais. 


Elles sont à la mesure des forêts primitives, celles dont parlent les spécialistes, botanistes et explorateurs, tels Francis Hallé avec son film "Il était une forêt" et qui invitent les humains à élargir leur vision du monde à une échelle démesurée dans l’espace et dans le temps. 


Belles invitations à penser et à rêver que nous proposent ces contes, ces recherches et ce film, au titre si prometteur : « Le Bois dont les rêves sont faits »  

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