Les chemins de la poésie se sont ouverts à
Sète, une fois de plus. Chemins qui tentent de vaincre les guerres, les oublis,
le massacre des langues et la destructivité humaine.
Les poètes invités charrient en effet avec
eux bien des désastres mais aussi parfois un humour déboussolant et toujours, un
élan de vie impressionnant. Leur capacité, leur ténacité à mettre en mots, à
donner forme à ce qui voudrait parfois voler en éclats de violence semble
indestructible.
Depuis nos places d'auditeurs nous pouvons
nous nourrir de poèmes jour après jour en regardant la mer, en accueillant les
langues, l'autre, l'étranger, le voisin, et nous faisons place ainsi aux belles
surprises de l'humanité.
Nous sommes plongés aussi au coeur de ses catastrophes, mais avec toujours l'espoir que donne cette mise en mots parlants, en rythmes qui maintiennent la vie de la langue. Et tout au long de ce festival, place est
donnée aussi à la chanson et aux contes.
Les espaces sétois facilitent ces
rencontres, sur les places, dans les cafés, les ruelles, les terrasses
ombragées, les jardins secrets. La cohabitation avec les habitants est
multiple: beaucoup de bénévoles ont contribué à la maintenance de ce festival
malgré la suppression des subventions. Et d'autres Sétois ont à subir, jour
après jour, la transformation de leur ville, parfois défigurée par des
sonorisations abusives dans de petites ruelles où tout résonne si fortement,
même quand il ne s'agit que d'échanges entre voisins...
Fadwa Souleimane en 2017 sur le brise-lames |
Leur
mécontentement est parfois cinglant! Toutefois il n'a pas empêché jusqu'à
présent la tenue du festival qui cohabite par ailleurs avec de nombreuses
autres manifestations estivales déclinées sur le port, les canaux, les plages,
l'étang de Thau, l'Eglise Saint-Louis et le théâtre de la mer.
Un vacancier aux goûts éclectiques
peut ainsi passer de l'écoute de la poésie aux joutes et aux musiques
électroniques, tout en profitant des bains de mer et des rendez-vous conviviaux,
culinaires, plus ou moins arrosés... Mais ce vacancier-là existe-t-il? Et s'agit-il de profiter?
En tout cas, sur la place du kiosque, où
se tiennent les marchés, un cinema, des aires de jeu, des cafés et des
restaurants à côté de la poste et de la médiathèque, un bel hommage a été rendu
à la poétesse syrienne Fadwa Souleimane, décédée d'un cancer peu après les
"Voix vives" de l'année dernière (cf mon article du blog du 7
Novembre 2017, "Brise-lames").
Hala Mohammad |
Sous le kiosque, la poésie se mêlait aux
jeux des enfants, à la musique des cafés, au passage des voitures et à la verve
de l'accent sétois. Pas de silence révérencieux ici mais la continuité de la
vie parmi tous, au prix même parfois d'une ignorance les uns des autres... On
se prend à rêver que des ponts soient envisageables entre tous...
Cet hommage a suscité beaucoup d'émotion
chez nous tous, notamment grâce à la présence et à la poésie de Hala Mohammad,
autre grande poétesse syrienne exilée en France, éditée chez Bruno Doucey.
Et la vie continue, le festival aussi mais
il est désormais compromis, comme beaucoup d'autres, par les restrictions
budgétaires. Il faudra s’employer à le faire exister encore longtemps, si
possible.