mercredi 1 août 2018

Voix vives de la Méditerrannée

Les chemins de la poésie se sont ouverts à Sète, une fois de plus. Chemins qui tentent de vaincre les guerres, les oublis, le massacre des langues et la destructivité humaine.

Au jardin du Château d'eau
Les poètes invités charrient en effet avec eux bien des désastres mais aussi parfois un humour déboussolant et toujours, un élan de vie impressionnant. Leur capacité, leur ténacité à mettre en mots, à donner forme à ce qui voudrait parfois voler en éclats de violence semble indestructible. 

Depuis nos places d'auditeurs nous pouvons nous nourrir de poèmes jour après jour en regardant la mer, en accueillant les langues, l'autre, l'étranger, le voisin, et nous faisons place ainsi aux belles surprises de l'humanité. 

Nous sommes plongés aussi au coeur de ses catastrophes, mais avec toujours l'espoir que donne cette mise en mots parlants, en rythmes qui maintiennent la vie de la langue. Et tout au long de ce festival, place est donnée aussi à la chanson et aux contes. 

Les espaces sétois facilitent ces rencontres, sur les places, dans les cafés, les ruelles, les terrasses ombragées, les jardins secrets. La cohabitation avec les habitants est multiple: beaucoup de bénévoles ont contribué à la maintenance de ce festival malgré la suppression des subventions. Et d'autres Sétois ont à subir, jour après jour, la transformation de leur ville, parfois défigurée par des sonorisations abusives dans de petites ruelles où tout résonne si fortement, même quand il ne s'agit que d'échanges entre voisins...

Fadwa Souleimane en 2017 sur le brise-lames
Leur mécontentement est parfois cinglant! Toutefois il n'a pas empêché jusqu'à présent la tenue du festival qui cohabite par ailleurs avec de nombreuses autres manifestations estivales déclinées sur le port, les canaux, les plages, l'étang de Thau, l'Eglise Saint-Louis et le théâtre de la mer. 

Un vacancier aux goûts éclectiques peut ainsi passer de l'écoute de la poésie aux joutes et aux musiques électroniques, tout en profitant des bains de mer et des rendez-vous conviviaux, culinaires, plus ou moins arrosés... Mais ce vacancier-là existe-t-il? Et s'agit-il de profiter?

En tout cas, sur la place du kiosque, où se tiennent les marchés, un cinema, des aires de jeu, des cafés et des restaurants à côté de la poste et de la médiathèque, un bel hommage a été rendu à la poétesse syrienne Fadwa Souleimane, décédée d'un cancer peu après les "Voix vives" de l'année dernière (cf mon article du blog du 7 Novembre 2017, "Brise-lames"). 

Hala Mohammad
Sous le kiosque, la poésie se mêlait aux jeux des enfants, à la musique des cafés, au passage des voitures et à la verve de l'accent sétois. Pas de silence révérencieux ici mais la continuité de la vie parmi tous, au prix même parfois d'une ignorance les uns des autres... On se prend à rêver que des ponts soient envisageables entre tous...

Cet hommage a suscité beaucoup d'émotion chez nous tous, notamment grâce à la présence et à la poésie de Hala Mohammad, autre grande poétesse syrienne exilée en France, éditée chez Bruno Doucey.

Et la vie continue, le festival aussi mais il est désormais compromis, comme beaucoup d'autres, par les restrictions budgétaires. Il faudra s’employer à le faire exister encore longtemps, si possible.