Für Andrea Emo 2015-20017 |
Avant même d’avoir encore
pénétré dans les différentes salles, les tableaux vous happent de loin, alors
que vous ne faites encore que les apercevoir. Ils construisent déjà l’espace de la rencontre entre eux et vous: un espace vierge et pourtant déjà
tout habité de l’œuvre à peine entraperçue.
L’entrée dans ce lieu invite celui qui pénètre à un ralentissement de son propre rythme, de sa
marche, de sa respiration, de sa parole, même. Les visiteurs chuchotent plus qu’ils
ne parlent et restent le plus souvent seuls devant ces immenses œuvres, même
s’ils sont venus accompagnés.
Au moment où l'on sent son corps se dilater aux dimensions des tableaux, il faut tenter de se
rendre réceptif pour un temps de silence intérieur prêt à accueillir des
vagues de bouleversement intime, d’émotion, de douleur, d’émerveillement. Il m’a semblé important de ne pas vouloir chercher d’emblée à comprendre l'oeuvre même si beaucoup de choses
sont écrites à son sujet et même parlées par l’artiste lui-même; plutôt laisser entrer en soi tout un monde, tout
un rapport à l’espace qui offre un accès à un voyage temporel.
La possibilité de se laisser gagner par l’espace-temps de l’oeuvre d’Anselm Kiefer est magnifiquement offerte dans ce lieu hors normes, hors de Paris, auquel on peut même accéder par le canal de l’Ourcq, à pied, en vélo, en bateau... On peut déjà se déplacer, symboliquement et avec tout son corps pour atteindre cet espace. Hélas les photos que je joins à cet article ne permettent absolument pas de sentir le mouvement des oeuvres. Mais l'affiche-même de l'exposition est beaucoup moins prenante que le tableau lui-même, semble toute plate quand on a vu l'original.
La possibilité de se laisser gagner par l’espace-temps de l’oeuvre d’Anselm Kiefer est magnifiquement offerte dans ce lieu hors normes, hors de Paris, auquel on peut même accéder par le canal de l’Ourcq, à pied, en vélo, en bateau... On peut déjà se déplacer, symboliquement et avec tout son corps pour atteindre cet espace. Hélas les photos que je joins à cet article ne permettent absolument pas de sentir le mouvement des oeuvres. Mais l'affiche-même de l'exposition est beaucoup moins prenante que le tableau lui-même, semble toute plate quand on a vu l'original.
Dans ces derniers tableaux, Anselm Kiefer reprend des œuvres anciennes et les transforme. Elles prennent ainsi
une épaisseur singulière, faite de surimpressions, d’effets de transparence,
d’effacements et de recouvrements ; toute une architecture qui sculpte
l’espace de la toile et qui met à l’œuvre la capacité de l’artiste à faire
accéder le regardeur au geste créateur lui-même, comme s'il s'accomplissait devant lui.
Les traces, les épaisseurs
prennent corps alors qu’une partie du tableau semble même avoir été rageusement
rejetée par l'artiste, maltraitée. Comme s'il y avait projeté son tourment, peut-être un tourment temporel. Comme s'il avait cherché à
rassembler dans chaque tableau une appréhension du temps où seraient présents simultanément passé, présent et futur. Et cela donne le vertige...
Under der Linden an der Heide, 1987-2017 |
L’artiste lui-même commente son travail fait à partir du philosophe
italien Andrea Emo avec un vocabulaire d’abolition de soi et de renaissance. Et
s’il y a de la destruction à l’œuvre, le regardeur n’est pourtant pas embarqué
dans un mouvement mortifère. C’est même plutôt une profusion créatrice qui se
manifeste devant lui, en offrant la possibilité d’un souffle, d’une respiration, d’une
ouverture salvatrice aux dimensions de l’infini.
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