mercredi 9 juillet 2014

Sculpteurs sonores

Bill Viola, vidéaste, mais quel créateur des rapports du son et de l'image! Les effets de trouble et d'inquiétante étrangeté provoqués par ses images video n'auraient pas une telle portée si ces oeuvres n'avaient pas été conçues aussi comme des créations musicales. 


Entrer dans cette exposition, c'est entrer dans un monde sonore, lui-même indéfinissable. Le visiteur ne sait jamais exactement d'où vient le son, sauf à certains moments précis. Il entend déjà les sons voisins depuis la salle où il se trouve. Il peut être amené à anticiper sur ce qu'il va trouver dans la prochaine salle alors qu'il est précisément invité par la vidéo immédiatement regardée à rester dans un rapport patient avec elle, à y éprouver une véritable expérience du présent. 


Quelque chose attire en effet souvent dans la salle suivante. Quelque chose crée déjà une continuité avec ce qui va suivre. Tout se déroule de façon sonore pour faire exister le présent  mais tout invite simultanément à concevoir l'enchainement des instants, leur transformation visuelle et sonore, déjà commencée depuis un moment pourtant indiscernable. 



















Cette cocréation visuelle et sonore fait vivre des moments époustouflants, d'incroyables ruptures, des surgissements et des effondrements, tous évènements qui vous soulèvent le coeur. Et cela se vit avec les autres présences, les visiteurs évoluant au ralenti, immobilisés puis repartant, parfois s'asseyant, ou préférant attendre debout, s'offrir ou faire face. 


C'est aussi ce que j'avais ressenti avec le travail de Mathilde Monnier et Dominique Figarella, proposé, lui, dans un espace sonore sombre et silencieux, habité juste par les bruits du corps, ceux des participants danseurs et spectateurs, bruits de souffles, de frottements, de chuchotements.... A l'exposition Bill Viola, nos corps ne se déplacent pas du tout comme dans une exposition habituelle. Nous sommes tous plongés ici dans la pénombre et plutôt très silencieux. Nous chuchotons tout au plus. Lorsqu'il arrive que des visiteurs parlent communément, c'est même surprenant.


Il est vrai qu'il faut accepter ici de se faire enlever dans ce monde mouvant, d'y pénétrer et de l'accueillir, et sans doute cela peut-il créer aussi de l'angoisse. D'où peut-être parfois la nécessité d'une certaine agitation contraire, chez ceux qui ne sont pas familiers de leurs abîmes psychiques aux confins de la vie et de la mort.

2 commentaires:

  1. Les voyages avec Bill Viola se diversifient. De nouveaux commentaires s'écrivent sur le précédent article "Sculpteur du temps". C'est une nouvelle découverte, et liée à l'écriture. Quel bel enchaînement de création!

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  2. petite suite à ce voyage avec Bill Vila,...et d'autres :

    Je suis peu à peu bousculée dans mes repères, et m’installe petit à petit dans la surprise, entre attente quelque peu agacée que le film se termine enfin… et ne s’achève jamais: il laisse sur le qui-vive, en suspens…va-t-il se passer quelque chose ou non ? Une rupture de rythme ? Un « réveil » ? Un silence que je vais moi-même rompre en me dirigeant vers une autre salle ? ?

    Plusieurs vidéos à voir en même temps suivent leur propre rythme: frustration de ne pas avoir des yeux de mouche… arrêt sur image d’un écran, pendant que l’autre, à notre insu diffuse une autre scène… quelque chose nous échappe toujours, agace notre œil d’une beauté diffuse sur les bas-côtés de notre œil…
    Oui, ça nous échappe toujours, nous dérange toujours, nous frustre toujours, nous emmène toujours ailleurs, plus loin dans ce respect du temps…et quand la Beauté est trop forte, elle nous invite à rebondir sur « la suite » pour apaiser l’émotion.
    Il y a du Hopper, du Rodin, du Caravage, du Monet là-dedans, je ne sais plus où donner de la tête. Non, c’est faux : peu à peu je me pose et le silence s’impose; des silhouettes passent et repassent d’une salle à l’autre, deviennent partie prenante des œuvres : leurs ombres se projettent, les pas sont feutrés, les paroles à peine chuchotées… : c’est le temps qui fait son œuvre et nous emporte malgré nous.....................

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