mercredi 25 juin 2014

Sculpteurs du temps

Où cela commence-t-il? D'où cela est-il parti? Pas de commencement ni de fin... Il faut prendre en cours...« Sculpteur du temps », dit de lui-même Bill Viola. En tout cas, l'exposition du Grand palais en ce printemps 2014 à Paris peut faire vivre en effet d'étonnantes expériences avec le temps, des expériences de temps: temps sans origine ni fin,  temps retourné, recommencé, immobile, temps spatial.


Ces possibilités de plongées en video dans  les mouvements du temps et de l'espace sont bien à la mesure de ce que nous font vivre parfois nos rêves, nos angoisses, nos troubles identitaires, nos désorientations psychiques multiples. Et cet espace-temps crée un rapport encore tout autre que celui  d'une exposition d'oeuvre picturale. Notamment parce que cet artiste, comme d'autres dont celui qui expose au Crac de Sète, Guillaume Leingre (Cf article du blog "Sur le quai de l'infantile, encore") crée ses oeuvres et les dispose en fonction des espaces architecturaux qui les accueillent.




Des photos statiques n'en donnent pas la mesure, hélas! Dans cette expérience-là, le dehors et le dedans modifient leur rencontre en la recréant avec les différents dispositifs proposés aux visiteurs, en les invitant à cette recréation permanente, et pourtant limitée aux proportions de l'exposition. Quelque chose comme la sensation d'infini dans un cadre pourtant restreint et que l'on peut décider de quitter, de retrouver, où l'on peut choisir de rester, de se perdre, d'abandonner, de fuir, ou de s'éloigner seulement, pour revenir ensuite.

 
Cette atmosphère troublante m'a rappelé l'effet de la performance proposée par Mathilde Monnier et Dominique Figarella au centre Beaubourg en Février dernier: ne plus savoir si cette forme indéfinissable étalée devant soi est mobile ou non, si l'on bouge soi-même ou si c'est la chose elle-même qui impose insensiblement un glissement, un étirement, une rotation, un retournement (cf l'article du blog "Soapera, une Installation" et la photo ci-dessous).




Dans l'univers de Bill Viola, jouer à regarder en arrière donne un grand plaisir. Quitter un espace en sachant qu'on n'y a pas tout expérimenté, pour se donner le plaisir d'y revenir dans un autre temps. Se laisser embarquer dans une expérience de changement des rapports dehors/dedans dans l'espace voisin d'une autre salle de l'exposition et revenir au précédent en étant transformé.




Renouveler en permanence son regard sur le monde en ayant la liberté d'entrer et de sortir, et d'éprouver que la vie continue même sans nous, sans notre présence, qu'il n'y a pas à lui donner naissance en permanence, qu'il suffit de pénétrer, d'accueillir, de découvrir, sans se figer dans une posture...
Mais ce n'est pas tout... Il faudra revenir voir une seconde fois l'exposition... La suite dans le prochain article...

3 commentaires:

  1. eh bien j'y retrouve tes thèmes de la rue Freud...
    c'est drôle je n'ai pas du tout eu ce rapport au temps dont tu parles ds cette expo...je me suis plutôt laissé apprivoisée par ce temps: d'un début dont j'avais la "maitrise" un peu soupçonneuse par ailleurs, à une fin qui m' "emportée" littéralement, avec une impression étonnante d'être "diluée" et très consistante à la fois...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est drôle pour moi aussi de lire ton commentaire que je ne trouve pas du tout incompatible avec ce que j'ai écrit! Je m'y retrouve aussi...

      Supprimer
  2. début de petit texte....
    .VIOLA au Grand Palais juillet 2014


    Je n’aime pas la vidéo.

    Je suis entrée tout de même dans ce Palais majestueux par curiosité ;
    Aussi parce qu’on n’a eu de cesse de me répéter que cela valait la peine d’aller voir ce « maître » de l’art « vidéosque ».
    Je n’en suis ressortie qu’à reculons 5 heures après…

    7 minutes : tel est le temps de cette première vidéo et déjà je baille malgré l’esthétique et la technique évidente. Tout de même, dans cette lenteur, quelques évènements surprenants me font déjà esquisser un sourire au milieu de cette éternité imposée : temps de suspension, rapidité extrême d’un acte, comme ce plongeur qui hésite si longuement à se jeter à l’eau, et qui se précipite -enfin- …et s’arrête en plein « vol » : inversion des rythmes.

    Tout au long de cette « exposition- voyage » de tels « accidents » viennent suspendre cet étirement du temps, le scander avec une brusquerie telle qu’elle déclenche le rire, l’étonnement, voire le sentiment d’étrangeté…et réveille, comme le koan dans le bouddhisme japonais… au fait, je crois que Viola a fait de longs séjours en Asie. A Kyoto j’ai ressenti le même type d’émotion devant les jardins japonais: cet infini du temps dans un espace si limité, et ce petit caillou, comme un cheveu sur la soupe, qui fait jaillir un « je ne sais quoi », propre à chacun…

    La deuxième vidéo m’est apparue suffocante; on est averti : un homme en apnée, reprenant si difficilement sa respiration.. va-t-on s’engouffrer dans une expo-labyrinthe, un défilé de boyaux étouffants, qui aurait à voir avec la lenteur glaciale de la mort ? Un peu mal à l’aise et agacée, je décide de continuer à « jouer » : où veut-il en venir avec ces arrêts sur images, cette lenteur extrême trouée de cris et autres désordres ?. ....................

    RépondreSupprimer

N'hésitez pas à mettre un commentaire, même anonymement en cliquant sur "commentaires" puis en déroulant le menu jusqu'à "anonyme".