lundi 15 décembre 2014

"Merveilleux" Castellucci!



"Merveilleux", oui, au sens initial de l'usage du terme et qu'on retrouve dans l'expression "contes merveilleux". Rien à voir avec quelque chose "à l'eau de rose" comme lorsqu'on renvoie avec mépris les "contes de fées", supposés "se terminer toujours bien". Plutôt "la merveille" porteuse d'effroi et d'extraordinaire.


Le metteur en scène a proposé trois spectacles au festival d'automne dont une nouvelle vision du "Sacre du Printemps" à la cité de la Villette récemment. Quelle audace! quelle incroyable façon de jouer avec nos frayeurs d'enfants et nos émerveillements mêlés (là est la merveille)! Quelle capacité à travailler ensemble image, son, mouvement!



Nos repères les plus intimes sont atteints. Nous devons accueillir le dérangement intérieur que provoque ce que nous croyons reconnaitre sur scène. Là où nous sommes habitués à repérer des projecteurs, voilà que leur disposition s'impose pour en faire des acteurs, sortes de machines aux yeux rouges dont on se demande ce qu'elles regardent en nous, les spectateurs. 


bouteilles de Georgio Morandi
Parmi elles apparaissent des sortes d'arrosoirs, comme des jouets d'enfants, qui vont peu à peu entrer en danse. Mais ils portent bientôt la puissance d'une armée à l'assaut et je crois y retrouver certaines bouteilles de Georgio Morandi massées les unes contre les autres, prêtes à fondre sur vous.


J'y éprouve aussi quelque chose de cet ébranlement incroyable face aux paquebots sétois dont j'ai rendu compte dans "Rue Freud". Danse des matières avec les machines et l'univers sonore. Danse à la rencontre de nos intérieurs, physiques et fantasmatiques...


Nous sommes peu à peu exposés à des éruptions de lumière, au rythme de la musique de Stravinski, qui réveillent sûrement en chacun des spectateurs le souvenir des chorégraphies du "Sacre" qu'il a pu voir précédemment, celles de Maurice Béjart ou de Maguy Marin, par exemple. Peut-être réveillent-elles aussi nos premiers émerveillements d'enfant devant de grands feux d'artifices. Elles ont réveillé en moi encore le souvenir bouleversant de l'exposition Bill Viola, l'hiver dernier à Paris (Cf article sur ce blog). Je ne sais s'il y a une connivence explicite entre ces deux créateurs.

 
Exposition Bill Viola Grand Palais
Voilà une rencontre entre jeux d'enfants, monde mythologique, haute technologie, dont Castellucci est coutumier (voir aussi le récent "Go down Moses") et qui réussit à donner corps à la cohabitation de tous ces mondes en nous, minéral, machinal, animal, culturel. Mais ici, aucun humain sur scène, sauf à la fin, quand la musique du "Sacre" a cessé... et que le spectateur ne sait si le spectacle continue. Du coup, pas d'applaudissements... Là encore, nos repères vacillent.


Les critiques expliquent beaucoup d'autres éléments de cette création, très élaborée dans la pensée de Castellucci.  Ici je préfère m'en tenir à des résonances. Elles en appelleront d'autres, peut-être...

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