jeudi 19 décembre 2013

De la femme de Loth à la Belle au bois dormant

          "Mythes et contes sous transfert" est le titre que j'avais donné à un article publié par la revue Le coq Héron (n°200, 2010). J'y travaillais sur la place de ces références partagées que sont les contes ou les mythes, dans le déroulement de certaines analyses et dans le transfert. Avec cet article, l'exemple portait sur la référence au conte de "La Belle au bois dormant" de Charles Perrault. Et cela un peu sur le même principe que l'histoire de la femme de Loth pour l'exemple développé dans Rue Freud.  
  
          Après-coup m'apparaissent des différences importantes dans la façon dont ces références ont pris place dans le transfert. Avec le conte de la Belle au Bois Dormant amené par une analysante, j'étais confrontée à un récit que j'avais déjà abondamment travaillé, notamment dans le cadre universitaire. Rien de tel avec la femme de Loth: elle était d'abord restée dans ma mémoire aussi figée que ce que sa métamorphose en statue de sel avait fait d'elle! 


          C'est ainsi que la Belle au Bois Dormant s'était une nouvelle fois éveillée en moi grâce à la place que lui avait donnée cette analysante, alors qu'elle avait déjà subi quelques métamorphoses dans ma vie universitaire et longuement cheminé avec ma pensée et mes fantasmes.



           Constatant après-coup ce parcours, j'ai même pensé que cela pourrait faire un jour matière à un livre. Non pas seulement parce que ce conte semblait devoir me donner encore et toujours de quoi travailler, désormais en tant qu'analyste, mais surtout parce qu'il s'avérait inspirer encore bien d'autres que moi et cela malgré son caractère apparemment désuet, bien éloigné de nos univers psychiques d'aujourd'hui... Un conte particulièrement apte à traverser les temps et qui pour cette raison pourrait me donner encore à écrire...
  
          
         L'une endormie, l'autre pétrifiée, voilà deux héroïnes assez proches l'une de l'autre. Toutes deux inscrivant des temporalités problématiques et pas seulement "merveilleuses"... Pourtant la femme de Loth, grâce à une situation transférentielle, s'est introduite dans ma vie psychique alors qu'elle n'y avait jusque-là pris aucune place, enfin... aucune place consciente, devrais-je dire. C'est un peu comme si j'avais dû accueillir un nouvel hôte dans ma vie psychique.


          Au contraire, avec la Belle au Bois Dormant j'avais dû accepter de modifier mon accueil d'un hôte familier, accepter qu'il me devienne presque étranger au fur et à mesure de ce que le transfert lui faisait vivre... Finalement je n'ai pas écrit tout un livre sur la femme de Loth, seulement une partie importante de Rue Freud, mais elle m'a cependant permis de trouver le fil rouge de mon travail sur le retournement derrière soi. Et il semble bien que je n'en aie pas fini avec elle...
 

          Cette reproduction librement inspirée du conte de la Belle au Bois Dormant est extraite de mon livre Sept familles à abattre Essai sur le jeu des sept familles et provient d'un jeu de cartes du Musée français de la carte à jouer d'Issy les Moulineaux, intitulé "Les fabliaux". Ce jeu présente une adaptation des contes de Perrault en jeu des sept familles.

3 commentaires:

  1. Je profite de l’occasion de ton blog pour te faire retour de quelques impressions sur ton livre aux deux tiers de ma lecture. Retour donc sur "Rue Freud" et non directement sur le thème du jour et ses héroïnes.
    Après l’ introduction inspirée et intrigante (on ne sais pas où on s’embarque mais on y est), j’ai trouvé que le chapitre 2 arrêtait le mouvement en donnant par avance et de façon assez laborieuse tous les enjeux de ton projet. Mais heureusement, ça repart et j’ai été à la fois stupéfaite et convaincue par la force de l’enchaînement associatif rue Freud/ Ali Chekkal/ L’Algérie, et par tout ce que tu tisses ensemble du divan au fauteuil au présent et à l’enfance. Et tes souvenirs m’ont fait me souvenir. Une petite question : p. 51 tu écris « bosches » d’une drôle de façon. Lapsus scriptae ? contaminé par Hiéronymus après les associations sur Charonne. En tout cas, ce que je trouve très fort, c’est la construction narrative à partir d’associations très personnelles qui s’imposent et deviennent évidentes pour le lecteur. De la même façon dans le 2ème partie où suivant ce fil tu parcours les œuvres de l’humanité du mythe de la caverne à l’épopée de Gilgamesh pour en arriver à la découverte du chapitre 18 : « le retournement a constamment partie liée avec la mort… ». Il y a de très belles pages de récit dans cette 2ème partie. Ici, je dois parler de mes réserves – partagées avec d’autres - et ceci fit polémique dans le groupe amical où ton livre circulait - sur la professeure de philo : oui, je trouve que tu charges cette professeure de façon quelque peu démagogique : tu en fais une figure d’aujourd’hui (je n’ai pas souvenir de l’absentéisme des professeurs comme trait significatif pour notre génération de lycéens), une figure négative propre à emporter un consensus facile. Mais il fallait sans doute donner figure au gardien de la porte…Et ceci nous conduit à ces pages magnifiques d’introspection portées par le souffle des épopées que tu traverses et à ces chavirements…
    Je poursuis donc impétueusement ma lecture.
    Karine

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  2. Merci de cette lecture de Rue Freud. Je suis encore étonnée de cette réaction par rapport au personnage du professeur de philo. Je ne vois pas pourquoi il faudrait en faire une généralité sur les absences des professeurs! En fait je n'ai compris que plus tard les divers sens possibles de sa "maladie" et de ses absences répétées, éclairés par ma vie d'adulte mais surtout par mon rapport à la psychanalyse. Et c'est devenu dans mon livre un exemple des retournements auxquels nous sommes amenés dans notre vie psychique en regardant en arrière. Et celui-ci particulièrement en relation avec le mythe de la caverne. Je verrai si d'autres lecteurs ont cette même réaction car jusqu'à présent elle m'a été transmise par des "profs"... Ceci dit, j'ai moi-même été pendant de longues années chargée de cours à l'Université mais ce n'était qu'une activité complémentaire.

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  3. J’apprends par Elsa Clairon, dans une émission d’Arte datée du 5 Septembre 2004, des précisions sur le terme « Boche » que je n’ai pas su orthographier dans Rue Freud .
    « La pire insulte, c'est le mot "boche". L'apparition de BOCHE remonte à la seconde moitié du 19 ième siècle, vers 1860, et "boche", ça viendrait d' "ALBOCHE". Alboche est terme un peu plus ancien formé du préfixe "AL", abréviation de "allemand" et du suffixe "boche". Et boche, avant de désigner l'ennemi allemand, était utilisé dans l'argot du 19ième siècle dans l'expression "tête de boche" pour désigner une personne à la tête dure, "une tête de bois" puisque "boche", à l'origine, c'est une boule, une boule en bois comme celle que l'on lance dans un jeu de quilles, par exemple.
    Donc, je résume: la boche, la boule de bois le boche, l'homme à la tête de bois, l'Alboche, l'Allemand à la tête de bois, qui, abrégé, redevient boche. Comme l'attaque est la meilleure défense, il y a une entreprise d'électroménager allemande, BOSCH pour ne pas la nommer, qui a judicieusement joué de cette homonymie dans son slogan : " c'est bien, c'est beau, c'est Bosch".
    Le commentaire du blog ci-dessus évoque à propos de mon erreur non pas la marque d’éléctroménager mais l’artiste Jérôme Bosch qui m’aurait fait déraper à cause de ses navigations infernales…

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