
L'audace d'Anna Akhmatova répond à celle de la femme de Loth, celle-là même que Kurt Vonnegut, de son côté, aime pour s'être retournée (Cf article du blog intitulé "La femme de Loth en guerre").
Son poème "La femme de Loth" date de 1922-24. Des années plus tard, Anna Akhmatova ayant connu, comme tous, la censure, le totalitarisme, la nécessité de tromper les tueurs avec ses poèmes, la perte progressive des siens, artistes, poètes, amants, perd finalement son fils:
Verdict
Le mot est tombé comme une pierre
Sur mon cœur qui vit encore.
Rien à dire. J'étais prête,
Il faut bien vivre avec ça.
J'ai beaucoup à faire aujourd'hui;
Il faut tuer toute la mémoire.
Il faut que l'âme devienne pierre,
Il faut apprendre à vivre encore.
Mais non...Il fait chaud, l'été murmure,
C'est comme une fête, là, dehors.
Il y a longtemps que j'y pensais,
A ce jour clair, à cette maison vide.
Eté 1939
Recueil "Requiem" Traduction Jean-Louis Backès (Poésie/Gallimard)

Le poème qui suit "Le verdict" s'intitule "Je parle à la mort". Dans les poèmes de 39-40, faisant partie du recueil Requiem, la souffrance se fait pierre, en effet. Et avec Crucifixion c'est le bien-aimé lui-même qui est devenu pierre.
Batailler avec l'oubli et la perte de mémoire... Continuer de créer et de confier ses poèmes en les disant seulement, en les cachant. "Tuer la mémoire"... mais "Il fait chaud, l'été murmure".
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