jeudi 23 octobre 2014

Au présent de l'enfance et des mythes




Le Paradis
Parmi les artistes, peintres, écrivains, cinéastes, metteurs en scène, il en est qui jouent volontiers avec les grandes figures mythologiques, les grands récits. Certains le font  sans emphase, avec un art du jeu propre à l'enfance. Emane alors de leur oeuvre une étrange gravité alliée avec la grâce. C'est ce qui m'a touchée particulièrement dans "Le paradis" d' Alain Cavalier.


Avec quelques bouts de ficelle, bouts de bois, bouts de legos, comme des bouts de choses imprévisiblement assemblés, voilà que ce joueur, conteur, poète, réalisateur fait vivre devant nous de grandes figures mythologiques et religieuses, de grandes questions existentielles. Et le spectateur se trouve bientôt compagnon de jeu d'Ulysse, de Job, du Christ et des autres, tout en participant à l'enterrement d'un "petit paon", sorte de célébration de la nature.


"Le paradis" d'Alain Cavalier m'a rappelé l'impression étrange éprouvée à l'exposition d'oeuvres du sculpteur Anthony Caro à la galerie Templon en Septembre dernier à Paris. J'ai mis du temps à accueillir ce qu'elles venaient faire en moi. Il a fallu que je laisse agir ces compositions hybrides, ces invraisemblables constructions de bric et de broc aux matériaux métalliques mêlés parfois de bois et d'autres matières.


En laissant "prendre" ces sculptures en moi, en les reconstruisant après-coup avec mes photos et en lisant de la documentation sur l'artiste, j'ai rencontré le plaisir de ces imbrications en échafaudage, le plaisir de partager ces formes machiniques et pourtant presque animales, d'y accéder.


Tous ces grands constructeurs de l'enfance ont bien quelque chose en commun. Tinguely, Niki de Saint Phalle,.. Je me rappelle aussi les chocs éprouvés devant les grands bois sculptés de Baselitz. Presque écrasée, d'abord, devant eux, puis haussée à leur taille et invitée à me mesurer à eux, à ces géants de nos enfances. "On dirait que tu serais... et moi je serais..." et nous voilà partis vers d'autres mondes et d'autres dimensions.



Détails sur le produitPourtant quelle présence ils ont, ces bois!   Quelle capacité à nous faire vivre un intense présent avec eux! Brassage des mondes, grands et petits, sérieux et ludiques, anciens et nouveaux. Il y a bien, dans les géants de Baselitz, quelque chose du petit robot Ulysse d'Alain Cavalier... petit robot rouge chuchoté par le poète et filmé par le conteur...


Ici on ne regarde pas en arrière car tout est rendu présent. Cela se passe maintenant. Comme une éternité. Et naturellement, ce présent-là se joue de l'actualité: "Le paradis" se donne peut-être encore dans quelques salles parisiennes. L'exposition Anthony Caro, c'était en Septembre, quant à Baselitz au Musée d'art moderne de la ville de Paris, c'était il y a trois ans. Mais c'est aujourd'hui qu'ils se sont rejoints en moi. Je n'ai pas eu besoin de regarder en arrière, ils étaient là! Un peu comme le dit Alain Cavalier dans un entretien à la radio , "que la vie vienne et que je n'aille pas vers elle".



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