"Gaudi. Le mystère de la Sagrada Familia". Un film aux multiples facettes qui interroge vivement notre rapport au temps. Le voir en parallèle avec l'exposition Bill Viola au Grand palais (j'y reviens dans un prochain article) est très instructif et stimulant. Une transformation perpétuelle de cette cathédrale infinie et infinissable... Le plus important est que la construction se poursuive, nous dit-on, plutôt que de la finir...
Les conceptions diverses du travail de Gaudi et du sens de cette construction sont formulées par différents intervenants, tous travaillant ou ayant travaillé sur le site, parfois de génération en génération. Ils font contrepoint les uns par rapport aux autres grâce à un montage astucieux qui donne de quoi rebondir avec la pensée, la leur et celle du spectateur. Les conceptions même du sens religieux de cette cathédrale varient, évoluent, intègrent des dimensions nouvelles et toute cette hétérogénéité est ce qui donne la dynamique extraordinaire du travail de l'ensemble, celui de la cathédrale mais aussi celui du film...

Et puis il y a ces moments de pure humanité, l'attention entre un fils et son vieux père dont il a appris le métier et qui lui montre où en est la cathédrale. Rythme lent dans les échafaudages pour éviter de trébucher, regard aimant du fils prenant soin de son père, médusé par les travaux... à la mesure des figures religieuses appelées par cette construction. Tous ces mouvements successifs sont musicaux. Non pas tant à cause de la Messe en si de Bach accompagnant le film, dirigée par J.Savall, que par sa construction en fugue: nous sommes amenés successivement à des points de ruptures, des reprises, des temps d'arrêts, des rebondissements, des impasses historiques, puis tout recommence par une autre voie, un autre fil, un autre angle d'approche, un autre temps...

Le réalisateur, Stefan Haupt, a fait de ce chantier un merveilleux témoignage de la création humaine collective à partir du génie d'un seul, tout autant que de sa capacité destructrice et de sa bêtise. Il nous donne une possibilité d'interroger à nouveau ce qu'apporte le regard en arrière et ce qu'il stérilise parfois, les montagnes à soulever pour oser sortir du déjà là sans pour autant le nier! Ce que c'est qu'hériter, pour nous tous qui sommes héritiers de la femme de Loth... Il faut voir ce film sans tarder car il risque d'être à son tour victime des gens pressés...
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